Au fil des commentaires relatifs à l’actualité, on peut faire d’étranges constats. Ainsi transpire de nombreuses interventions, quelle que soit leur orientation, une référence implicite à un monde parfait fantasmé, limpide, sans nuances.
Devant des réalités souvent complexes, parfois très complexes, beaucoup d’intervenants réagissent de manière catégorique, aspirant à un bien absolu ou rejetant ce qu’ils considèrent comme un mal monolithique. Pour ne pas parler des allusions plus ou moins voilées à l’une ou l’autre « théorie du complot », les tenants d’une position voyant dans leurs adversaires les marionnettes de forces occultes ou les agents plus ou moins complices de puissances néfastes.
La Presse
Souvent prise à partie, accusée de subjectivité ou de prises de position partisanes, elle est pour certains cause de bien des maux. Mais à bien y regarder, la presse recouvre des réalités bien différentes.
D’une part, ce n’est pas une entité abstraite, mais bien une association de personnes et de sociétés commerciales, réalisant un compromis entre des intérêts parfois divergents.
La société éditrice a des impératifs de rentabilité, qui peuvent la conduire à privilégier le marketing, et des propriétaires, qui peuvent souhaiter influencer l’information diffusée.
Les journalistes ont une formation spécifique et un code de déontologie qui les mènent à sélectionner et à traiter l’information en fonction, entre autres, de leur public cible.
Quant à l’objectivité, si souvent brandie comme le Saint Graal du journalisme, elle n’est ni possible ni souhaitable. Pas possible, parce que les choix éditoriaux sont opérés par des personnes ayant un passé, des opinions, un caractère, une formation, une humeur, des connaissances …, et donc agissent plus ou moins consciemment en fonction de ces paramètres. Pas souhaitable, parce que … pas possible. Et donc, une information présentée comme objective sera toujours un mensonge. Il vaut donc mieux que l’organe de presse, ou le journaliste, annonce nettement la couleur, affiche clairement sa position, tout en distinguant le plus possible les faits rapportés des opinions émises à son propos.
D’autre part, il n’y a pas une presse, mais des presses, différentes tant par le media utilisé (papier, télévision, radio, internet) que par la fréquence de parution ou le public cible.
Il suffit de comparer les media utilisés par la même société éditrice (quotidien en version papier ou internet, par exemple) pour que sautent aux yeux des manières bien différentes de traiter l’information. Un quotidien régional ne diffusera pas les mêmes informations qu’un hebdomadaire féminin. Une télévision de service public opérera différemment d’une concurrente privée. Un journal américain ne traitera pas un sujet de la même manière que ses homologues européens.
C’est donc au « consommateur » de presse que reviendra la tâche de rechercher l’information la meilleure, en comparant, en vérifiant, en refusant l’illusion trompeuse d’une presse objective. Et à la presse de tout faire pour conserver un maximum de liberté et d’indépendance.
L’Europe
Accusée de tous les maux, l’Europe est aujourd’hui le bouc émissaire idéal: entité dont la complexité rend la compréhension difficile, agissant à un niveau auquel peu de citoyens ont accès, communicant peu et mal, il est aisé de la soupçonner, d’en faire une puissance occulte.
Pourtant, l’Union Européenne n’est que l’émanation de l’ensemble des États qui la composent, et qui contrôlent strictement son fonctionnement. Les règles édictées par « Bruxelles » doivent être approuvées par toutes les capitales, et ont en principe pour but d’organiser un fonctionnement plus harmonieux de la collaboration entre les États.
Cela n’en fait pas pour autant une institution parfaite dans un monde sans nuages, loin s’en faut. Construction humaine, l’Europe en a les qualités et les défauts. N’en voir que les qualités, c’est courir le risque de foncer sans frein vers un mur que l’on refuse de voir, vers le crash inévitable. N’en voir que les défauts, c’est jeter l’enfant avec l’eau du bain, et courir le risque de passer à côté de possibilités de vie prospère et paisible.
L’Europe n’est donc ni blanche, ni noire, mais un camaïeu de gris qu’il nous revient d’animer aux couleurs de la vie.
Le monde parfait
dont certains rêvent n’a jamais existé, il reste un fantasme qui ne peut mener qu’à la désillusion ou au désespoir. Il nous reste à allier modestie, pour ne pas être déçus, et ambition, pour oser voir loin et grand, et imaginer les moyens de rendre notre vie vivable, ou, pourquoi pas, heureuse.
Dernière mise à jour le 10 mois par André