Il vient d’atterrir dans ma boîte à messages, cet article d’une revue française. Plein de bonne volonté, son auteur tente de convertir ses concitoyens à une vision plus empathique, sinon positive, de la Belgique. Sans nier les réelles difficultés, absurdités, complexités de notre pays, il démonte quelques clichés simplistes de nos voisins hexagonaux.
Mais un texte aussi court est forcément réducteur, et s’il a le mérite de dénoncer l’arrogance idiote de Français de tout poil, compagnons de bistrot ou ministres, il me semble pécher par optimisme lorsqu’il conclut en écrivant que
« Le melting-pot belge est un bel exemple, plein d’insuffisances, de cohabitation des différences ».
C’est ne pas voir le mouvement centripète et clivant à l’œuvre depuis de nombreuses années, et encore accéléré par la malheureuse conjonction d’une législature aux mains d’une équipe libérale agressive et d’attentats terroristes facteurs d’affrontements communautaires.
Vue de l’intérieur, la situation belge ne mérite assurément pas le paternalisme arrogant venu d’une France qui se gargarise sans honte d’une égalité et d’une fraternité qu’elle ne pratique plus guère; elle n’en est pas moins préoccupante, pour ne pas dire inquiétante.
Sous couvert de gestion de la crise économique, le gouvernement belge actuel ne cesse de stigmatiser les premières victimes de cette crise, sabrant dans les budgets dédiés à l’action sociale, supprimant des programmes d’aide et de réinsertion destinés aux sdf et aux toxicomanes, faisant penser que les chômeurs qui ne trouvent pas de travail sont des profiteurs et réduisant drastiquement les mécanismes de solidarité, attaquant de front les acquis sociaux des travailleurs.
Dans le même temps, rien de sérieux n’est entrepris pour lutter contre la grande fraude fiscale, et tout le soutien va aux entreprises censées créer de l’emploi, toujours plus flexible et précaire. On a la nette impression que notre structure sociale tend à s’aligner sur les standards les plus bas.
Devant la menace terroriste, le pays se clive aussi entre musulmans accusés de complicité et non musulmans censés jouir de toutes les qualités civiques.
Entre Wallons et Flamands, le divorce est désormais consommé, et la gestion de ce qui reste du patrimoine commun est tout sauf harmonieuse.
De haut en bas de l’échelle sociale, les fossés se creusent, entre riches et pauvres, entre travailleurs et sans emploi, entre politiciens et citoyens, entre partisans de l’exclusion et adeptes de l’inclusion. Il ne s’agit plus à présent de différences mais bien d’oppositions, parfois virulentes, et la « cohabitation des différences » n’est guère exemplaire. Et l’on ne voit pas d’embellie à l’horizon.
Bien sûr, il reste toujours l’espoir qui, dit-on fait vivre. Mais jusqu’où et jusqu’à quand ?