Hier, en route dans le vent, le froid et la neige, je me trouvais au volant de ma voiture à gravir la route qui mène au sommet de mon plat pays: Botrange, altitude 694 m. La route était verglacée, la neige tombait dru, le service de déneigement venait de se mettre en route. Dans la montée, la file de voitures s’allongeait peu à peu, suivant au pas ceux qui patinaient, dépassant plus ou moins aisément ceux qui avaient abandonné.
Quand je suis sorti de ma voiture pour aider à pousser celle qui me précédait, les impatients se sont mis à dépasser, certains agrémentant leur manœuvre d’appels de phares rageurs, au risque de provoquer un accident avec les voitures arrivant en sens contraire. Personne n’est venu prêter main forte. Plusieurs fois, je me suis arrêté pour pousser, à chaque fois j’y suis allé seul.
Un exemple banal, mais révélateur, de l’égoïsme forcené de notre époque. Chacun vit sa vie dans son cocon, au mieux indifférent aux autres, au pire agacé, ou excédé, ou … par les malheurs d’autrui, ces malotrus qui n’ont même pas la décence de souffrir en silence, bien cachés, sans déranger personne.
Aujourd’hui, de retour d’une visite en maison de repos, là où vivent des femmes et des hommes que l’âge, ou la maladie, souvent les deux, ont rendus dépendants, je ne peux m’empêcher de penser à un avenir désormais plus si lointain où peut-être moi aussi …
Alors je me surprends à fredonner la chanson de François Béranger:
Combien d’entre nous ont vu le vieux qui passe dans la rue ?