L’Europe, comme modèle de collaboration pacifique entre les peuples, était notre utopie. Combien sommes-nous à y avoir cru ? Combien sommes-nous à assister impuissants à l’écroulement d’un rêve sous les coups de boutoir incessants de l’égoïsme, de l’incompétence, de la bêtise ?
Il aura suffi que quelques centaines de milliers d’autres, en Asie et en Afrique, se mettent à croire aux valeurs proclamées d’humanité, de solidarité et de démocratie, qu’ils se mettent à espérer que ces Européens modèles partagent avec eux leur générosité, qu’ils se mettent finalement en route pour échapper au pire qui leur tombait sur la tête, pour que toute cette belle façade se lézarde, laissant apparaître sous le vernis de civilisation les pustules suintantes du mépris, de l’indifférence, de la haine.
Bien sûr au début on a tenté de faire bonne figure, de masquer tant bien que mal la mauvaise volonté pourtant évidente, criant haro sur l’Est intransigeant avec ses murs et ses barrières, laissant avec une bonne conscience sidérante le Sud barboter seul dans cette Méditerranée affligée de nouvelle marées migratoires.
Aujourd’hui, les masques tombent.
On ferme ! Et on tue sans pitié les derniers espoirs d’hommes, de femmes, d’enfants fuyant une vie impossible pour se retrouver grelottant dans la boue et le froid de l’indifférence.
On ferme ! Et pas de chance pour ceux qui auraient mieux fait de se laisser massacrer sans venir nous « envahir ».
On ferme ! Et on envisage sans sourciller la déportation de ce bétail humain décidément bien encombrant.
On ferme ! Et pour ceux qui sont déjà entrés, on verra, au cas par cas, en prenant son temps, en faisant tout pour les dissuader de rester.
Nous sommes pourtant nombreux en Europe à ne pas vouloir de cette politique, à ne pas cautionner cette violence qui s’ajoute à la violence, à refuser de voir sans réagir, à donner du temps, à tendre la main. Et à nous heurter au discours hautain et imbécile de ceux qui se moquent de « la profondeur abyssale de notre naïveté ».
Révélateur, le maire de Grande-Synthe, dans le Nord (France). Il ne peut plus supporter qu’on laisse les migrants s’enfoncer dans la boue, il appelle à l’aide MSF pour l’aider à construire un camp vivable. Et le préfet de son département, ancien directeur général de l’office français de protection des réfugiés et apatrides, utilise des arguties pour tenter de lui interdire d’y héberger … des réfugiés.
Indigne de cette France qui se dit patrie des droits de l’homme, indigne de cette devise qui proclame sa fraternité, indigne d’un homme !
Comme le gouverneur de Flandre Occidentale (Belgique), il doit craindre que des conditions de vie moins mauvaises n’en attirent d’autres. En Belgique, au moins, il n’y a pas de camp, ni sauvage, ni organisé. On se contente de ramener les « illégaux » en France. Pas de ça chez nous !
En attendant, il gèle la nuit, le printemps tarde, et l’Europe s’enfonce lentement dans les boues honteuses de Grande-Synthe, d’Idomeni et d’ailleurs.
Je suis d’accord avec le titre, je suis d’accord avec le texte. Malheureux d’être d’accord. Oui, l’Europe était notre utopie. Mais s’il ne s’agissait que de la construction européenne… L’Europe a l’art de proclamer des valeurs qu’elle n’applique pas pour elle-même… Et ce qui me désespère, c’est que, où que je tourne la tête, je ne rencontre aucun lieu où mes valeurs puissent vivre en harmonie. On nous a éduqués – dressés ? – à l’idéal, aux valeurs, à la générosité, à la grandeur d’âme, sans nous dire que ce n’était que fumée pour cacher l’aspect obscur de la nature… Lire la suite »
Merci Paul, on se sent déjà un peu moins seul en te lisant.